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Rencontre avec Walthère Davister, Co-fondateur et Président du CA du Petit Monde de Desnié

Walthère Davister est l’un des acteurs majeurs de l’économie sociale en Wallonie. Il y a plus de 40 ans, il a posé les premières pierres de cette démarche fondée sur le besoin de créer de l'emploi pour les personnes écartées du monde du travail. En 2019, il accepte de contribuer à la création de la coopérative du Petit Monde de Desnié. Walthère nous raconte son histoire professionnelle depuis le début de sa carrière jusqu’à son entrée dans le projet.

Quel est votre parcours professionnel ?

Walthère Davister : Je me suis formé en philosophie, puis en Sciences sociales et Management d’entreprises sociales car j’étais animé par l’envie d’être sur le terrain. Ma motivation première était de donner de l’emploi aux jeunes. Ma carrière a commencé dans les années 80 à Seraing, cité du fer et du cristal, dans le secteur de l’aide à la jeunesse. A cette époque, il y avait de nombreux jeunes en difficulté dans la région qui disposaient de peu de perspectives d’emploi intéressantes. Je me suis donc lancé dans la création de dispositifs qui proposaient un modèle en alternance entre formation et emploi.

Au fil des années, j’ai créé une quinzaine de coopératives œuvrant pour l’insertion professionnelle dans 35 secteurs d’activité différents. Je me suis donné pour mission de transformer l’exclusion sociale en une démarche positive de création d'entreprises. Aujourd’hui, nos initiatives ont permis de créer plus de 250 emplois temps plein et à durée indéterminée.

Quelles motivations vous ont poussé à prendre ce chemin ?

W.D. : J’ai toujours été sensible à l’égalité sociale, cela doit venir de ma famille. Je ne conçois pas que certaines personnes soient laissées sur le carreau à cause de leurs origines ou de leur position dans la société. Mes activités au travers de l’économie sociale m'ont permis d’avoir un impact positif concret sur l’insertion professionnelle des plus démunis.

Cependant, changer la société par l’économie n’a pas été chose facile et on ne nous a pas toujours accueilli les bras ouverts. A l'époque il n’y avait rien, on créait tant les dispositifs que la législation. J’ai travaillé sur la définition même des principes éthiques de l’économie sociale ; la primauté de l’humain sur le capital, la décision démocratique, le droit du travailleur de devenir coopérateur…

Notre société a besoin d’alternatives au système capitaliste où l'humain ne compte pas. Ma plus grande fierté est d’avoir essaimer l’idée d’économie sociale sous forme d’entreprises sociales, d’avoir réussi à prendre un place concrète dans l’économie actuelle.

D'après vous, faut-il faire primer le social sur l'économie ou l'économie sur le social ?

W.D. : L’économie et le social sont deux termes extrêmement contradictoires. Le social vise à aider les gens, tandis que l’économie cherche la rentabilité et l'accroissement des richesses souvent au détriment du reste. Tout l’art est de trouver un moyen pour concilier les deux…

Selon moi, le social peut être greffer sur l'économie mais pas l’inverse car cela engendrerait trop de dépendance par rapport aux services publics et gouvernementaux et donc peu de liberté.

Premièrement, il faut mettre sur pied un projet économique viable et qui tienne la route afin d’être autonome et indépendant. Ensuite, on peut réfléchir à la dimension sociale du projet au travers de la finalité des revenus. Investir dans le bien-être des employés, les salaires, l’organisation… plutôt que dans les dividendes des actionnaires.

C’est pour cette raison que nous avons créé nos dispositifs d’insertion professionnelle, car nous voulions sortir de ce clivage économie vs. sociale. De cette manière, on a une chance de rendre leur autonomie aux citoyens. De faire en sorte qu’ils soient acteurs de leur vie !

Que pensez-vous de l'économie verte ?

W.D. : Il existe deux démarches au niveau écologique dans l’économie ; les entreprises qui intègrent une vision durable dans leur business plan et les entreprises dont l’activité principale est d’œuvrer concrètement pour une société plus respectueuse de l’environnement.

Cette dernière dimension est essentielle et il est donc important d’investir dans ces secteurs : espaces verts, énergies renouvelables, nouvelles technologies durables, énergies vertes… Nous avons une nouvelle dynamique à créer et cela passe évidemment aussi par la prise de décisions concrètes et importantes au niveau politique.

Cependant, pour tous les autres secteurs, il faut viser la décroissance ! Il est primordial qu’on adapte nos modes de vie aux réalités de notre temps. Nous entrons dans une ère où nos besoins élémentaires ne seront plus acquis si facilement. Nous devons changer notre rapport au monde et faire attention à notre consommation. Il y a déjà de nombreuses initiatives qui se mettent en place : acheter en seconde main, en vrac, la revalorisation des produits…

Le mouvement de la permaculture prend tout son sens dans cette démarche. Elle permet de redonner une juste place à l’humain dans son environnement et dans la production agricole. De se reconnecter à l’environnement, aux ressources naturelles, à la nature… De redonner goût à la vie grâce au travail de la terre !


Pourquoi avez-vous choisi de vous impliquer comme Co-fondateur et Président du CA du Petit Monde de Desnié ?


W.D. : Je connais la ferme de Desnié depuis toujours. Comme de nombreuses fermes de la région, elle a fini par être abandonnée car les jeunes des nouvelles générations ne reprennent plus le travail d’agriculteurs et de maraîchers de leur famille. Ces magnifiques lieux agricoles risquent d’être transformés en bâtiments et cités dortoirs.

En 2019, Jean-Cédric Jacmart, Fondateur de la ferme de Desnié, qui est également mon voisin, a sollicité mon accompagnement pour la création d’une coopérative à la ferme. J’ai été séduit par sa démarche de promotion du mouvement de la permaculture. Comme on dit, « le maraîchage et l’élevage ne nourrissent pas son homme ! » Le concept du projet permet de faire vivre la ferme tout en transmettant des savoir-faire essentiels à notre monde aujourd’hui.

Ensemble, nous avons développé les fondements sociaux et économiques du Petit Monde de Desnié pour faire naître un projet viable sur le long terme. Les principes de l’économie sociale qui me sont chers y sont d’ailleurs fort présents. Les valeurs de solidarité et de partage font partie intégrante de la ferme. Elle est agréée comme entreprise sociale et peut donc offrir de l’emploi à des personnes en difficulté.

Les activités qui y prennent place sont importantes de par leur rapport à la nature et aux vocations qu’elles peuvent susciter chez les jeunes, mais aussi les moins jeunes… désireux de donner une nouvelle direction plus juste à leur vie. L’humain prime et j’espère également que nous serons en mesure de créer rapidement de nouveaux emplois au sein même de la ferme !

Le Petit Monde de Desnié rencontre le succès qu’il mérite et intéresse de plus en plus de personnes. Aujourd’hui, nous sommes heureux de pouvoir compter plus de 235 actionnaires au sein de notre coopérative.


Comment envisagez-vous la suite du projet ?


W.D. : Il faut miser sur l’agriculture à taille humaine et la valorisation du local. Nous ne cherchons pas à en faire une grosse entreprise et nous tenons à rester humble.

Le Petit Monde de Desnié vise à se calquer sur la nature, qui nous ramène à une vie simple. Vivre au jour le jour et s’investir dans des projets qui nous permettent d’être nous-mêmes. La nature nous invite à adapter notre rythme et à respirer à nouveau. Elle est une vraie richesse, le plus beau des apprentissages pour nous développer en tant qu’humain.

Quelle est votre vision du futur ?


W.D. : Sans vouloir être pessimiste, je pense que nous devons nous préparer à vivre des temps plus difficiles. Les générations plus jeunes vont subir les conséquences de nos modes de vie capitalistes disproportionnés de ces dernières dizaines d’années. Les mentalités individualistes et néo-capitalistes reprennent du terrain. Pour combattre cela, un seul mot d’ordre : la solidarité !

Il faut investir en soi et dans les autres ; s’instruire, se former, développer de nouvelles compétences utiles pour l’avenir, s’intéresser aux nouvelles technologies… et travailler en collaboration avec les autres. La coopération est la clé pour combattre le chacun pour soi.

Un jour, un jeune homme m’a dit : « Apprend-moi à occuper mes mains ! » Je souhaite au Petit Monde de Desnié de donner les outils à de nombreuses autres personnes pour occuper leurs mains de la plus belle manière qu’il soit ; dans la terre et en travaillant ensemble pour un planète plus juste et alignée !












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